Dès les tous premiers temps d‘un projet de construction, en tant que maître d’ouvrage, il vous revient de faire des choix. Qu’il soit technique ou architectural, économique, lié à la passation des marchés avec les entreprises ou à l’usage du futur bâtiment, chacun de ces choix impacte directement la prévention des risques professionnels en contribuant significativement à faire progresser les conditions de travail, et à lutter contre les accidents du travail et les maladies professionnelles.
Pour vous, comme pour les entreprises du BTP, la prévention est un levier de performance au service des opérations que vous menez, de vos personnels comme des entreprises et salariés du BTP avec lesquels vous contractualisez.
En tant que maître d’ouvrage, vous définissez votre besoin ainsi que le programme de l’opération qui précise notamment la nature de l’ouvrage, ses fonctionnalités ainsi que ses principes techniques. Vous en tracez les contours économiques et en assurez le financement.
En tant que « décideur », vous êtes également celui qui fixe l’objectif en matière de prévention des risques professionnels : votre démarche prévention débute dès les premiers temps de votre projet à votre initiative.
Agir en prévention nécessite d’identifier les enjeux liés à la santé et à la sécurité au travail, de faire des choix dès le montage de votre opération et de décider en conscience de ce que vous prévoyez pour lutter contre les accidents du travail et les maladies professionnelles, et pour améliorer les conditions de travail sur le chantier.
En fonction des compétences dont vous disposez, de ce qui est en place au sein de votre entité et des moyens alloués à votre projet, vous devez définir une politique de prévention qui tienne compte :
- de l’organisation de vos services et de la manière dont vous entendez piloter l’opération. La passation des marchés, la conception de l’ouvrage, le suivi des travaux, la maîtrise d’œuvre et le coordonnateur SPS : autant d’éléments de l’opération dans lesquels la prévention doit être prise en compte ;
- des compétences dont vous devez vous entourer : maîtrise d’œuvre, assistance à maîtrise d’ouvrage, OPC, coordonnateur SPS, entreprises, etc. ;
- des contraintes propres à l’opération : localisation, environnement naturel, modes constructifs, matériaux, etc. Dans de nombreux cas, ces contraintes pourront conduire à privilégier certains moyens techniques pour mieux gérer les risques ;
- du niveau d’implication de vos personnels. Une démarche de prévention ne se décrète pas, elle se construit notamment avec vos personnels qui doivent être informés, formés et en capacité d’y participer.
La sécurité sur les chantiers de construction, comme durant les interventions ultérieures réalisées tout au long de la vie de l’ouvrage, est l’affaire de tous et en premier lieu du maître d’ouvrage.
Un engagement le plus en amont de l’opération dans la mise en œuvre des moyens et des ressources adaptés, vous permet de répondre à vos obligations en matière de santé et sécurité au travail. Celles-ci sont notamment édictées par le Code du travail (article L. 4531-1 relatif aux Principes généraux de prévention), le Code civil (article 1240 relatif à la réparation des dommages causés à autrui) ou encore le Code pénal (articles 121-1 relatif à un manquement aux obligations de sécurité, 121-3 relatif au délit de négligence ou inattention, et 223-1 relatif au délit de risque causé à autrui). En matière de risque amiante, le Code de la santé publique est également à prendre en compte. Il convient aussi pour le maître d’ouvrage d’assurer la bonne organisation de son opération du point de vue de la gestion des déchets (article L. 541-2 du Code de l’environnement).
Bien plus qu’une réponse à ces différentes obligations réglementaires, s’engager dans la maîtrise des risques professionnels est une opportunité d’accroître la performance de votre opération : maîtrise des coûts de l’opération, chantier bien « tenu » (moins de nuisances sur les tiers), notoriété, gain sur l’exploitation future de l’ouvrage, implication des personnels, etc.
Les Principes généraux de prévention sont mis en œuvre par le maître d’ouvrage en collaboration avec la maîtrise d’œuvre et la coordination SPS, dès la conception de l’ouvrage.
En pratique, ces sept principes sont pour vous un rappel de ce que vous devez faire pour prévenir les risques sur vos chantiers. Ils vous permettent d’envisager pas à pas les mesures à prévoir et d’ajuster techniquement voire financièrement votre projet en conséquence.
Les marchés sont la base contractuelle de votre opération tout autant que l’un des fondements de votre démarche de prévention. Mais ils ne peuvent suffire : maître d’œuvre, coordonnateur SPS ou entreprises seront engagés en prévention à la hauteur de ce que vous aurez décidé.
Du seul point de vue réglementaire, vous devez :
D’un point de vue pragmatique et plus opérationnel, veillez à bien évaluer votre besoin en matière de coordination SPS, selon le type d’opération que vous souhaitez conduire et sa complexité technique notamment, et à bien choisir le coordonnateur SPS avec lequel vous vous engagez pour toute l’opération ou pour la phase conception puis la phase réalisation. Les risques liés à la coactivité seront différents selon le nombre d’entreprises titulaires, sous-traitantes et le nombre de salariés présents sur le chantier en même temps, la nature de l’ouvrage ou la durée de l’opération ; ils devront donc faire l’objet d’une analyse spécifique et éclairée de la part du coordonnateur SPS.
Tout comme le coordonnateur SPS, le maître d’œuvre est à vos côtés pour penser l’opération, le chantier puis la vie de votre ouvrage en termes de santé et sécurité au travail. Au-delà de ses obligations en ce domaine, il peut notablement vous aider à construire votre démarche de prévention.
Quelques idées à lui soumettre :
Le Code de la commande publique ne permet pas au maître d’ouvrage public d’exiger de chaque entreprise soumissionnaire qu’elle lui fournisse son Document d’évaluation des risques professionnels.
En revanche, en tant que maître d’ouvrage public ou privé, vous pouvez inciter les entreprises à valoriser dans leur mémoire technique ce qu’elles font pour garantir la santé et la sécurité de leurs personnels, et ce qu’elles proposent de faire au titre de l’opération objet du marché :
Le droit s’est notablement enrichi au fil des ans pour ce qui concerne les actions à mener par le maître d’ouvrage en amont du démarrage des travaux. Chacune de ces actions est une opportunité pour vous interroger sur ce qu’il faut prévoir et quels risques vous pouvez ainsi prévenir :
La phase conception est celle durant laquelle le maître d’ouvrage, éclairé des conseils de sa maîtrise d’œuvre et de son coordonnateur SPS, fait le choix de modes constructifs, de process d’exécution ou encore privilégie une organisation qui favorisent la prévention de certains risques très présents sur le chantier tels que, par exemple, ceux liés aux travaux en hauteur ou aux manutentions manuelles.
La mise en commun de moyens de protection contre les chutes (échafaudages communs), de moyens de levage (ascenseur de chantier) comme une organisation différente des approvisionnements et zones de remisage des matériels et matériaux sont autant de solutions qui peuvent être retenues par le maître d’ouvrage durant les phases d’étude (APD et PRO notamment). Les tâches sont sécurisées et la productivité confortée par cette organisation du chantier, convenue en amont du démarrage des travaux.
Les nouvelles technologies peuvent également contribuer à améliorer la sécurité sur les chantiers. Le BIM permet au maître d’ouvrage de mieux remplir ses obligations en matière de santé et sécurité tout autant qu’il contribue à traiter la coactivité, les risques de collision, les zones d’interférences entre grues à tour sur une opération et de nombreux autres points critiques en termes de sécurité sur le chantier. La maquette numérique est également une aide précieuse à l’établissement du Dossier d’intervention ultérieure sur l’ouvrage et contribue donc à réduire les coûts liés à la vie de l’ouvrage.
Le Lean Construction peut également être une aide précieuse pour le maître d’ouvrage et servir ses intérêts. C’est une adaptation du Lean Management, méthode de gestion de projet déjà éprouvée, rendue applicable à une opération de construction. Tout comme le BIM, le Lean Construction permet au maître d’ouvrage d’impliquer davantage chaque intervenant dans sa réflexion en matière de santé et sécurité au travail, d’associer toutes les Parties prenantes à la recherche de solutions, à comprendre et traiter les flux, le gaspillage, les relations sociales. C’est un outil au service de la performance de l’opération.